Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sale Conne

Le cerisier...

14 Mars 2021 , Rédigé par SC Publié dans #Je me souviens..., #Tranches de vie

Je me souviens de ce Lundi. J'étais au boulot. Barmaid à l'époque. Je faisais le matin comme on dit. Huit heures, seize heures. Les habitués étaient là.

Le pâtissier d'en face et celui d'à côté étaient là, comme d'habitude", sauf le Dimanche bien sur. Ils sortaient du boulot et venaient boire leur "petit noir". Ils passaient ensuite aux "demis".Ça finissait souvent pareil. Leurs femmes venaient les chercher vers quinze heures, quinze heures trente.

- Je ne bois pas chérie, je décompresse!

Il y avait aussi la petite vendeuse d'en face. Toute fine, toujours bien habillé, classique mais avec une touche de folie, une foulard flashy, des chaussures décalées, un collier fantaisie... J'aimais bien cette fille parce qu'elle avait un sourire plein de dents et les yeux qui plissaient tellement qu'elle se transformait instantanément en chinoise.

Jacques venait aussi tous les matins. Il était journaliste pour un quotidien régional. "L'antenne" de notre ville. Il s’asseyait toujours au bout du comptoir, prés de la machine à café. Il mettait ses lunettes tellement au bout de son nez qu'il penchait la tête en arrière pour éviter qu'elles ne tombent. J'aimais bien discuter avec lui. Sa grosse moustache "à la Moustaki" bougeait quand il marmonnait. Il ne parlait jamais fort. Il bougonnait. Voilà. Un gentil bougon "Moustach'kien".

Il y avait aussi l'épicier du "petit casino" de la rue. Un bon client. Il était au comptoir quasi toute la journée. À sa première visite de la journée, il commandait un café noisette. Je faisais semblant de ne pas voir ses yeux qui fixaient la bouteille de "Jack". Je le connaissais tellement bien que je pouvais dire combien de temps il mettrait à revenir commander son whisky. Parfois une heure, parfois dix minutes...

"Le café noir sans sucre" lui, il venait pour l'ambiance. Aucune opinion, aucune intervention, il répondait jamais franchement à une question. Évasif. Il venait au comptoir, et écoutait en se marrant les brèves que les autres racontaient, puis il s'en allait. Une énigme! Je ne sais même pas où travaillait ce type, s'il était célibataire, ni quoi que ce soit d'autre.

Et tous les autres. "Une valse à plein temps" comme chantait le Brel, ou "les copains d'abord" jouait Brassens. C'était bien.

Ce matin là, les clients les uns après les autres, se sont mis à papoter. La routine.

- Il y avait plein de flics dans un prés à la maison en haut de Saint-Jo.

Dans ma tête, je cherchais de quelle maison ils parlaient.

- Les pompiers son chez les grand-parents du Dam's. J’espère qu'ils vont bien.

Le Dam's? Mon pote? Les flics? Les pompiers? Comment ça?

Il n'allait pas fort en ce moment. Et pour cause! Chagrin d'amour et d'amitié en même temps. Une histoire glauque. Son pote se tapait sa mère, en couple officiel tout ça. Déjà là, t'as un peu les grosses bouboules. Nique ma mère. Merde. Mais en plus, ce même "pote" trompe ta mère. Et tiens toi bien! Avec ta copine à toi, ton grand amour. Ils étaient tellement choupinets tous les deux. Beaux, heureux, souriants. Un monde qui s’effondre. Bref! C'était Hiroshima ET Nagasaki dans ma tête. J'avais envie de poser ce torchon et d'allait voir ce qu'il se passait. J'avais une fois de plus oublié mon téléphone.

- Ils cherchent le chien du Dam's. Il parait qu'il a mordu quelqu'un j'sais pas quoi.

- Mais non! Il s'est juste barré c'est tout!

Le chien? Quoi? Les flics et les gendarmes cherchent un chien? C'est quoi cette connerie?!?

Puis Jacques est arrivé. L'enquêteur, la source sure.

- Dis jacques? T'as entendu parlé d'un truc vers chez le Dam's?

J’essayais mes verres. J'ai machinalement levée la tête vers la pendule. Onze heures onze. J’étais à la bourre pour mettre les tables en place pour le service du midi. Wé, je me suis dit ça, et puis paf! Retour sur terre, atterrissage catastrophe.

- Le Dam's s'est tiré un balle dans la tête. Il a pris le fusil de son grand-père, il est allait s'asseoir sous le cerisier et bam! Une balle dans la tête. Apparemment, il a fumé pas mal de clopes avant.

Je me suis figée. J'ai pas compris. L'info était comme traitée au ralenti par mon neurone. Je me repassais la phrase en boucle comme pour chercher le détail qui en ferait une très mauvaises blague, ou le truc qui ferait que j'avais mal compris. Je ne sais pas. Un quelconque signe qui ferait que non. Le Dam's ne pouvait pas être mort. Bordel! Mort!

- Il était sympathique ce garçon. Toujours souriant. C'est vraiment con, a ajouté Jacques en replongeant le nez dans son journal.

Aujourd'hui je pense à lui. Comme ça. Et tu sais quoi? Je souris. Wé...

Parce que nos bons souvenirs, nos fous rires, nos délires et toutes les bonnes choses qu'on a partagées, et bien, ça prime sur tout. C'était bien. Un peu comme une pierre. Elle est là posée, au milieu des autres. Une partie de moi, dure, solide.

 

Lire la suite

Voilà...

4 Mars 2021 , Rédigé par SC

Avant, j'avais une grande maison, remplie d'amis, de famille, de bonheur. On y passait boire un café, ou y faire la fête. J'avais un jardin et ce petit rouge gorge qui venait taper aux carreaux quand il n'avait plus d'eau ou de graines dehors. J'avais des plantes, des petits plats qui mijotaient et emplissaient l'air d'odeurs qui faisaient saliver. Je consolais, faisais sourire. Je comblais les vides que les autres ressentaient parfois.

Et puis, j'ai dit "bye bye" à ce petit cocon. Pour reprendre mes études, pour avancer, pour reconstruire. Aller de l'avant.

Aujourd'hui, j'apprends à être seule. Seule comme je ne l'ai jamais été de toute ma vie. Tous les gens qui se rencontraient avant dans ma bulle, se voient désormais ailleurs... Sans moi.

La famille, un mot qui promet tant de choses. Et pourtant, elle n'est plus non plus. Partie, envolée elle aussi.

Alors cette envie de partir me reprend, comme une fringale devant la vitrine colorée d'un patissier, et promesse de gourmandises.

J'ai plus envie. Sauf celle de terminer ce voyage. Arriver au port, le bon j’espère. Et puis qui regrettera? Je suis là, invisible, orpheline. J'ai tellement essayé, espéré, que je me suis perdue, quelque part entre la solitude et l'envie de voir des gens.

L'abandon est si violent. Où est donc passé la fille que j'étais? Était-elle si naïve pour croire?

Plus j'avance dans cette vie, moins j'ai envie de mettre un pied devant l'autre. Juste la tentation si forte de m'arrêter, là, au bord de la vie, la regarder passer sans en être actrice. La voir filer, en se retournant un peu pour la regarder parfois, avec un sourire au coin des lèvres, et les yeux embués.

J'ai plus la force, ni le courage. Qu'est ce qui pourrait bien me retenir ici? Voilà donc cette question qui tourne en boucle dans ma tête, comme une pub "Carglass". Je suis fatiguée patron, fatiguée de me battre, crevée à grands coups de poings dans la gueule. Je sens bien que la vie veut me donner une leçon. Je vois bien comme elle me malmène, mais je ne parle pas le même langage. Je comprends rien.

Alors, ça me reprend. Cette sensation d'être en trop, de trop. Mal placée.

Voilà. Je me sens comme ça, et j'ai cette envie si forte de partir. Pas pour un voyage. Pas pour voir d'autres gens. Pas de m'extasier sur de beaux paysages. Non. Juste cette putain d'envie que ça s'arrête. Que tout se termine. Ouais. Cette envie... Et puis aussi, cette question : Qui ça fera chier que je parte? A qui je manquerais? Personne. Même pas mon chien, je n'en ai plus non plus! Merde! Je crois bien que je ne suis même plus moi.

Lire la suite